EVOLUTION TECHNIQUE DES RECEPTEURS

DURANT LE XXème SIECLE


Chapitre 4 : récepteurs pour radioamateurs à semi-conducteurs


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Olivier ERNST F5LVG


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Dans les années soixante-dix, les récepteurs pour radioamateurs disparurent presque du marché. En effet, l’emploi de transceivers, c’est-à-dire d’appareils comprenant à la fois l’émetteur et le récepteur, est devenu la norme, du fait d’une meilleure facilité d’emploi et d’un coût inférieur à celui de 2 appareils séparés. La partie réception de ces appareils reste cependant similaire au récepteur de la figure 12, les lampes étant remplacées par des transistors, et la deuxième fréquence intermédiaire pouvant être de fréquence nettement plus élevée, du fait de l’emploi de filtres à quartz.


Figure 13 Récepteur à conversion directe ultrasimple.

vers description de ce récepteur



Dans le même temps, les récepteurs à conversion directs sont réapparus dans les montages purement amateurs. Ces récepteurs sont formés par un étage changeur de fréquence qui sort directement en BF. La fréquence de l'oscillateur local est identique à celle de la porteuse supprimée en BLU et décalée d'un peu moins d'un kilohertz de la fréquence d'une émission télégraphique. A la sortie du mélangeur, un simple filtre BF donne au récepteur toute sa sélectivité. Un amplificateur BF permet ensuite d'obtenir le gain nécessaire pour alimenter un casque. La figure 13 illustre l'extrême simplicité que peut atteindre ce type de récepteur. Il s'agit d'un récepteur actuel conçu pour recevoir la bande des 40 m. Q1 correspond à l'oscillateur. Le mélangeur est construit autour des diodes D1 et D2. Le filtre BF est réduit à C6. L'amplificateur BF correspond à IC. Ces récepteurs présentent toutefois 2 défauts : la détection de stations AM de radiodiffusion proches des bandes amateurs, et l'absence d'élimination de la fréquence image BF. Si la détection des stations de radiodiffusion peut être correctement éliminée par un mélangeur équilibré, la suppression de l'image BF impose de réaliser une conversion de type phasing" ce qui rend le montage quasi aussi compliqué qu'un récepteur à simple changement de fréquence.


Une nouvelle révolution est ensuite survenue avec le développement des synthétiseurs de fréquence par boucle à verrouillages de phase (PLL c’est-à-dire phase locked loop). Au début des années quatre-vingts, il a été possible de construire des synthétiseurs ayant un incrément de fréquence (pas) inférieur à 100 Hz. Ces synthétiseurs permettent d’obtenir une stabilité en fréquence proche de celle du quartz de référence. Ces circuits ont permis de résoudre le délicat problème du glissement de fréquence des oscillateurs LC. En effet, il est difficile de réaliser des oscillateurs LC stables au-dessus de 6 MHz. Entre 6 et 30 MHz, la stabilité peut être obtenue, mais pour de faibles plages de fréquence et avec des résultats peu reproductibles dès qu’un composant du circuit est modifié. Obtenir un oscillateur stable dans cette plage de fréquence est une gageure pour le radioamateur. Au-dessus de 30 MHz, obtenir une stabilité suffisante pour décoder la BLU avec un oscillateur LC est irréaliste. Les synthétiseurs permettent une telle stabilité.


Figure 14 : Synthétiseur à vérrouillage de phase (PLL).


Un synthétiseur PLL est un circuit qui comprend 3 éléments (figure 14). D’abord un oscillateur LC dont la fréquence peut être modifiée par une tension appliquée à une diode varicap (VCO). Ensuite un oscillateur de référence qui va déterminer le pas du synthétiseur (100 Hz par exemple). Enfin, un comparateur de phase qui applique une tension variable sur la diode varicap du VCO en fonction de la différence de phase entre la référence et l’oscillateur. Pour être simple imaginons un oscillateur dont la fréquence est exactement de 10 MHz lors de l’allumage et en phase avec la fréquence de référence de 100 Hz. Si l’oscillateur est parfaitement stable, il reste en phase avec la référence et la tension appliquée à la diode varicap reste constante. Si la fréquence de l’oscillateur diminue (il présente un retard de phase par rapport à la référence), le comparateur de phase augmente la tension de la varicap ce qui fait remonter la fréquence de l’oscillateur à 10 MHz. A l’inverse, si l’oscillateur augmente sa fréquence (il présente une avance de phase par rapport à la référence), le comparateur de phase diminue la tension appliquée à la varicap ce qui fait redescendre la fréquence de l’oscillateur à 10 MHz. Cet exemple illustre le fait que quelles que soient les variations spontanées de fréquence d’un oscillateur, une boucle de phase PLL permet de compenser cette dérive. D’une façon générale, la fréquence de sortie d’un synthétiseur est synchronisée sur une fréquence égale à un multiple de la fréquence de référence. Une remarque importante doit être faite. La fréquence de l’oscillateur peut être commandée par un condensateur variable en parallèle de la varicap. La varicap peut alors ne modifier la fréquence de l’oscillateur que sur une faible plage (50 KHz par exemple), servant uniquement à compenser la dérive. Les autres modifications de fréquence, pour l’accord sur plusieurs MHz par exemple, sont alors effectuées par le condensateur variable. Le diviseur de fréquence est facultatif. En son absence, il faut employer un comparateur de phase qui n’est actif que durant les flancs montant ou descendant de la fréquence de référence. Un synthétiseur PLL peut ainsi être presque simple, contrairement à ce que pensent la plupart des électroniciens amateurs ou professionnels. J’ai ainsi pu réaliser un synthétiseur de 8,5 MHz à 20 MHz avec 4 transistors, 2 circuits intégrés CMOS grand public (série 74HCT) à moins de 10 francs et 2 régulateurs de tension 5 V.


La conception des récepteurs a été entièrement transformée par ces synthétiseurs. Désormais, il est possible (pour une firme commerciale) de réaliser facilement un oscillateur stable en VHF. L’emploi d’une première fréquence intermédiaire élevée, 70 MHz par exemple, simplifie le circuit d’entrée du récepteur décamétrique. Un filtre passe bas ayant une fréquence de coupure de 30 MHz suffit pour éliminer la fréquence image qui se situe au-dessus de la valeur de la première fréquence intermédiaire (70 MHz). Dans les récepteurs de qualité, ce filtre passe-bas est associé à des filtres passe-bandes pour diminuer les phénomènes de transmodulation. Pour recevoir toutes les fréquences comprises entre 100 KHz et 30 MHz, le synthétiseur devra couvrir les fréquences comprises entre 30 et 69,9 MHz ou entre 70,1 et 100 MHz. Le réglage du synthétiseur suffira à lui seul pour modifier la fréquence de réception. A la fin des années quatre-vingts, de nombreux récepteurs étaient à triple changement de fréquences. La première fréquence intermédiaire était choisie au-dessus de 30 MHz (vers 70 MHz) de façon à simplifier le circuit d’entrée du récepteur comme nous l’avons vu. La deuxième fréquence intermédiaire (vers 10,7 MHz) restait relativement élevée de façon à éliminer facilement la fréquence image des 70 MHz, mais aussi pour utiliser des filtres à quartz faciles à concevoir à ces fréquences. Une troisième fréquence intermédiaire (vers 455 KHz) restait utile pour le traitement du signal (notch, démodulateur FM à bande étroite) facile en analogique à cette fréquence. Remarquons que le principal intérêt de ce type de conception est l’intérêt commercial. Toutes les fréquences entre 100 KHz et 30 MHz sont reçues sans trou. Les commutateurs mécaniques et les axes démultiplicateurs ont disparu (l’électronique coûte moins cher que la mécanique). Il y a peu de circuits critiques à aligner. Une fois le prototype parfaitement mis au point, l’appareil est reproductible. Il devient facile d’ajouter des accessoires (mémoires etc.). Le poids et la consommation électrique des récepteurs ont été fortement diminués de 1970 à 1990. Cependant, à l’écoute, les résultats n’étaient pas nettement améliorés par rapport aux meilleurs récepteurs à tubes à double changement de fréquence.


Une nouvelle évolution est en cours pour les synthétiseurs. On fabrique actuellement des synthèses de fréquences directes à partir d’un processeur informatique ultrarapide. L’intérêt de la synthèse numérique directe d’une fréquence est de diminuer fortement le bruit de phase par rapport aux synthétiseurs PLL.


Les années quatre-vingt-dix ont vu le développement d’une nouvelle technique : le traitement numérique du signal (DSP digital signal processor). Le DSP consiste à numériser le signal puis à lui faire subir différents traitements. Le DSP permet de multiples applications en radio. Les principales sont la réalisation de filtres performants, la réalisation de « notch » (filtres coupe bandes) très étroits et une réduction réelle du bruit de fond. Ceci peut par exemple être réalisé par une étude du signal en fonction de la fréquence. Tout signal radio que nous recevons est en fait un signal complexe et non une onde sinusoïdale pure. Grâce à une analyse mathématique extrêmement rapide du signal (transformée de Fourrier rapide) le signal complexe est décomposé pour retrouver l’ensemble des signaux élémentaires qui le forme. Chaque signal élémentaire est caractérisé numériquement par son amplitude et sa fréquence. Il est alors possible d’effectuer au signal un traitement impossible à réaliser en analogique. La réalisation d’un filtre consiste à laisser passer ou bloquer les fréquences désirées ou non désirées. Les fonctions de filtrages sont donc extrêmement efficaces. Différentes techniques existent pour diminuer le bruit de fond. Le bruit a pour caractéristique d’être fait d’impulsions extrêmement variables en amplitude, fréquence et phase. Pour diminuer le bruit de fond, il est par exemple possible de ne laisser passer un signal élémentaire que lorsque son amplitude apparaît corrélée durant un certain laps de temps. Le signal apparaît corrélé si son amplitude est constante ou croît ou décroît progressivement. Pour fixer les idées rappelons que pour être audible un son doit être appliqué au moins un dixième de seconde. En ne laissant passer que les signaux corrélés pendant au moins un centième de seconde la quasi-totalité du bruit sera éliminée, alors que les sons importants pour l’audition ne seront quasiment pas altérés. La réduction de bruit est donc extrêmement efficace. Elle n’est toutefois pas complète. Le signal élémentaire doit, en effet, avoir une amplitude nettement supérieure au bruit présent sur sa fréquence. Le traitement DSP permet aussi de réaliser des démodulateurs BLU, AM, FM très efficace. Après l’ensemble du traitement numérique, il est nécessaire de réaliser une conversion digital-analogique. Un DSP nécessite une fréquence de numérisation nettement plus élevée que la fréquence de travail. La fréquence d’entrée des DSP est donc actuellement souvent limitée à 50 KHz.



Figure 15 : Schéma synoptique d’un récepteur moderne. L’étage DSP et le synthétiseur de fréquence sont en fait des ensembles complexes nécessitant des techniques numériques.


Le synoptique d’un récepteur performant moderne de 100 KHz à 30 MHz se déduit facilement des considérations précédentes (figure 15). Ce sera un superhétérodyne dont la première fréquence intermédiaire sera nettement supérieure à 30 MHz, vers 70 MHz par exemple. Le premier oscillateur sera un synthétiseur. L’étage d’entrée du récepteur comprendra des filtres passe-bande commutables électroniquement qui seront suivis d’un amplificateur HF à gain variable puis d’un filtre passe-bas qui attaquera le premier mélangeur. Celui-ci sera suivi d’un filtre extrêmement sélectif, à quartz, de façon éliminer la fréquence image de la deuxième fréquence intermédiaire et à limiter les problèmes de transmodulation. Un amplificateur permettra d’obtenir un niveau de signal suffisant pour attaquer le deuxième mélangeur. Après filtrage, l’onde correspondant à la deuxième FI est amplifiée puis attaque un étage de traitement numérique du signal (DSP). Il s’agit d’un ensemble complexe comprenant un convertisseur analogique numérique, une partie traitement de signal (filtrage, réduction du bruit de fond), un démodulateur et un convertisseur numérique analogique. La sortie du DSP attaque donc directement l’amplificateur BF. Ce type de récepteur est extrêmement performant, mais doit être complètement conçu en fonction du DSP. En effet, passer d’une fréquence intermédiaire de 70 MHz à 25 KHz, nécessite un filtre très sélectif sur 70 MHz, associé à un changement de fréquence éliminant la fréquence image par le système phasing.

Certains constructeurs préfèrent donc utiliser le savoir-faire acquis avec la génération précédente de récepteurs. Ceux-ci sont le plus souvent à triple changement de fréquence, comme nous l’avons décrit plus haut. Les constructeurs y ajoutent alors un DSP. Les récepteurs obtenus ainsi peuvent être alors à quadruple changement de fréquence ! Ils peuvent aussi remplacer la dernière FI (455 KHz) par le DSP. Le récepteur est alors toujours à triple changement de fréquence. La qualité de ces récepteurs est excellente, mais ne dépasse pas celle d’un récepteur à double changement de fréquence parfaitement bien conçu. Le nombre de fréquence intermédiaire n’est donc pas un critère absolu de qualité d’un récepteur.



III CONCLUSION


Le radioamateur peut à juste titre se demander qu’elle est sa place en ce début de XXIème siècle. L’originalité du radioamateur n’a jamais été de copier les standards établis. Ainsi, les professionnels ne croyaient pas dans les possibilités des ondes courtes quand u1MO et f8AB réalisèrent la première liaison transatlantique en 1923. Les émetteurs employés par les professionnels sur ondes longues étaient des monstres, alors que F8AB utilisa 2 lampes seulement pour son émetteur. Aujourd’hui on peut faire le parallèle entre les récepteurs commerciaux à DSP et les récepteurs à conversion directe. Le système phasing permet de faire facilement un émetteur BLU. Il est ainsi possible de construire un transceiver alliant ces 2 techniques et donnant des résultats tout à fait honorables. Enfin, il est dans tous les cas capital d’optimiser au maximum son montage par un choix judicieux de composants trouvables dans le commerce, et par la suppression des pièces et étages non nécessaires. La facilité consiste en effet à ajouter un étage amplificateur supplémentaire quand le précédent est mal optimisé. Le défaut est de rendre le montage complexe tout en augmentant les risques d’instabilité. Au total, il faut avoir entendu un radioamateur, émettant de Nouvelle-Calédonie sur 20 m en BLU, avec un récepteur de sa fabrication ne comprenant qu’un transistor, un circuit intégré amplificateur BF et un régulateur 5 V pour connaître la joie du radioamateurisme.


Références :

Figures 2,3,4,5 : Précis de TSF à la portée de tous. H. Denis. Verdun

Figures 7 et 8 : Documentation Philips.

Figure 11 : Radio-REF avril 1935. Jean Denimal F8EX, Pierre Gibert F8DW.

Autres figures : F5LVG.


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Olivier ERNST F5LVG


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