SURCHARGE HEPATIQUE ET CARDIAQUE EN FER

QUANTIFICATION PAR IRM A 1,5T



O. Ernst, G. Sergent, B. Laurens, V. Gaxotte    CHRU de Lille
C. Rose     Université Catholique de Lille

Quantification de la concentration hépatique en fer
Quantification de la concentration cardiaque en fer
Bases théoriques
Logiciel de calcul


L'imagerie par résonance magnétique repose l'interaction des noyaux hydrogènes avec un champ magnétique. L'augmentation de la concentration en fer d'un organe modifie le magnétisme local, ce qui modifie le signal des tissus. En imagerie le signal des tissus diminue donc quand la concentration en fer augmente. En mesurant la baisse du signal de l'organe, soit par rapport à un autre organe de référence sans surcharge comme les muscles paravertebraux, soit par rapport à lui-même il est possible de quantifier simplement la concentration en fer. Ce site décrit la méthode pour le foie et le coeur, en particulier pour les thalassémies qui présentent de très importantes surcharges. La durée totale de l'examen (foie et coeur) dure moins de 30 minutes.

Si vous disposez d'une IRM Philips 1,5 T récente pous pouvez técharger la carte d'examen qui vous donne la totalité des paramètres employés pour chaque séquence. Attention, il 'agit d'un fichier texte, il faut donc utiliser le botuon droit de la souris et "enregistrer la cible sous".
 
Carte d'examen foie et coeur


I Quantification de la concentration hépatique en fer à 1,5 T

La technique repose sur la mesure du signal du foie et des muscles paravertebraux . De multiples séquences sont nécessaires pour s'adapter au mieux aux différentes surcharges (voir chapitre théorique). Pour chaque séquence il faut relever le signal du foie et des muscles paravertebraux.  Il suffit ensuite de rentrer les valeurs dans un logiciel qui se contente d'appliquer la formule qui a été établie chez des témoins chez qui avait été réalisée une biopsie avec mesure de la concentration en fer. Les formules sont du type a(FOIE/MUSCLE) + b, mais ne sont valables que pour un rapport FOIE/MUSCLE compris entre 0,3 et 1. En dessous de 0,3 le bruit de fond devient trop important pour une mesure fiable. Au dessus de 1 le signal du foie est normal. Le faible intervalle où est utilisable le rapport FOIE/MUSCLE explique la nécessité de réaliser plusieurs séquences avec des TE différents.

La technique utilisant cette comparaison FOIE/MUSCLE qui nous semble la plus adéquat est celle décrite par Yves Gandon et collaborateurs. Elle repose sur 5 séquences dont le TE varie de 21 ms à 4 ms. Cette technique ne peut toutefois quantifier les surcharges à plus de dix fois la normale, le foie ayant déjà un signal extrêmement faible à 4 ms. Nous avons donc complété cette méthode par une sixième séquence employant un TE extrêmement court.

REALISATION PRATIQUE

1 Séquences

Les acquisition doivent être fait en "antenne corps" pour obtenir une bonne homogénéité. Il ne faut en aucun cas employer une antenne de surface type syn-body, torso ou autre. Le principal paramètre est le TE qu'il faut respecter. Toutefois l'angle et le TR sont impérativement à respecter eux aussi. Voici les 6 séquences, de la plus sensible à la moins sensible pour quantifier la surcharge en fer. Toutes ces séquences sont en écho de gradient "de base".

SEQUENCES : paramètres influençant le signal du foie
1 TR : 120 ms ; TE 21 ms ; angle 20°
2 TR : 120 ms ; TE 14 ms ; angle 20°
3 TR : 120 ms ; TE 9 ms ; angle 20°
4 TR : 120 ms ; TE 4 ms ; angle 20°
5 TR : 120 ms ; TE 4 ms ; angle 90°
6 TR : 48 ms ; TE 1,8 ms ; angle 60°

SEQUENCES : paramètres ne modifiant pas le signal du foie
Ces paramètres peuvent donc être modifiés.
Apnée.
Nombre de coupes : 8  Ce nombre ne peut être réalisé en une seule acquisition avec la séquence 1 sans modifier le TR. Il faut donc réaliser 2 ou trois acquisitions séparées pour conserver une durée d'acquisition compatible avec l'apnée. Le nombre de 8 coupe permet d'avoir une vue globale du foie afin de rechercher une zone représentative sans artefact. Elles sont espacées.
Matrice rectangulaire : 70 %.
Champ de vue rectangulaire : 66 %.
Epaisseur : 10 ou 15 mm. Des coupes épaisses permettent d'améliorer le rapport signal sur bruit.
FOV 440 mm.

SEQUENCES :  variantes techniques pour diminuer la durée d'acquisition
Echos multiples :  les 4 premières séquences ne différent que par le TE. Il est donc possible de réaliser 2 séquences bi-échos au lieu de 4 séquences mono-écho.
1 TR : 120 ms ; TE 14 - 21 ms ; angle 20°
2 TR : 120 ms ; TE 4 - 9 ms ; angle 20°
Demi plan de fourrier : La technique du half scan permet de diminuer par près de 2 la durée d'acquisition, y compris en antenne corps.

2 Mesures

Pour chaque séquence il faut mesurer par des régions d'intérêt le signal du foie et muscles. Il faut choisir des zones homogènes, sans artefact, sur la même coupe. Plusieurs mesures peuvent être faites sur la même séquence pour diminuer les variations de résultats.




3 Calcul de la concentration

Le plus simple est de rentrer les valeurs dans des logiciels donnant la concentration en fer. Pour les 5 séquences établies par Yves Gandon il suffit d'aller sur la page internet suivante : Hémochromatose Université de Rennes.  Il ne faut pas de virgule. Le logiciel fonctionne même si vous ne mettez qu'une seule valeur du signal du foie et des muscles pour chaque séquence. Si le résultat est supérieur à 330 µmol/g vous devez impérativement utiliser la sixième séquence.

Cette sixième séquences a été établie à Lille pour les surcharges majeures. La formule est la suivante (µmol/g) :
CHF = 937 - (537 * (signal foie / signal muscle))
Vous pouvez utiliser le logiciel (gratuiciel MS Windows) suivant pour apprécier la concentration hépatique en fer :
 Hémochromatose surcharge majeure .
Si votre étude est couplée à une étude cardiaque vous pouvez utiliser le logiciel foie coeur, qui permet en outre d'éditer un rapport complet :
 Logiciel de calcul foie et coeur




4 Bibliographie

Gandon Y, Guyader D, Heautot JF, Reda MI, Yaouanq J, Buhe T, Brissot P, Carsin M, Deugnier Y. Hemochromatosis: diagnosis and quantification of liver iron with gradient-echo MR imaging.Radiology. 1994 Nov;193(2):533-8. 

Gandon Y, Olivie D, Guyader D, Aube C, Oberti F, Sebille V, Deugnier Y. Non-invasive assessment of hepatic iron stores by MRI.Lancet. 2004 Jan 31;363(9406):357-62.

Ernst O, Rose C, Sergent G, L'Hermine C. Hepatic iron overload: quantification with MR imaging at 1.5 T.AJR Am J Roentgenol. 1999 Apr;172(4):1141-2.

Ernst O, Sergent G, Bonvarlet P, Canva-Delcambre V, Paris JC, L'Hermine C. Hepatic iron overload: diagnosis and quantification with MR imaging.AJR Am J Roentgenol. 1997 May;168(5):1205-8


http://www.radio.univ-rennes1.fr/Sources/FR/HemoCalc15.html



II Quantification de la surcharge cardiaque en fer à 1,5 T

Une surcharge cardiaque en fer ne survient habituellement que pour les surcharges majeures,  en particulier pour les thalassémies. Il n'y a toutefois pas de corrélation précise entre les anomalies biologiques ou la surcharge hépatique en fer. Il a été démontré que la quantification de la surcharge cardiaque en fer par la mesure du T2* permettait un diagnostic précoce (1) quand ce T2* est inférieur à 20 ms. Cette mesure est aussi plus sensible que la mesure de la fonction ventriculaire en IRM (2).

La mesure du T2* est relativement simple à effectuer sur un appareil d'IRM standard à 1,5 T.  Trois séquences d'écho de gradient sont à réaliser. Elles comportent deux échos de façon à pouvoir mesurer le T2* et sont acquises avec une synchronisation cardiaque. De multiples acquisitions sont nécessaires le rapport signal sur bruit étant faible. L'apnée n'est donc pas possible. Certains examens sont parfois fortement artefactés et donc peu interprétables. Une antenne "cardiaque" est indispensable. Un "shim" centré sur le coeur est indispensable.

1 Séquences
Antenne cardiaque
Synchronisation cardiaque
Nombre de coupe : 1 seule coupe dans le petit axe du coeur.
Epaisseur : 10 mm

Séquence 1 : TR/ TE-TE/ Angle :  23 ms / 2,5 - 20 ms / 20°    Nombre d'excitation par cycle cardiaque : 16
Séquence 2 : TR/ TE-TE/ Angle :  13 ms / 2,5 - 10 ms / 20°    Nombre d'excitation par cycle cardiaque : 35
Séquence 3 : TR/ TE-TE/ Angle :  8 ms / 2,5 - 5 ms / 20°        Nombre d'excitation par cycle cardiaque : 52

FOV : 350 x 350
Matrice : 256 x 256
Nombre d'acquisitions : 10. Attention : il faut programmer la machine pour que le plan de Fourrier soit balayé entièrement 10 fois de suite et non que chaque ligne soit balayée 10 fois de suite.
SENSE : 2

Remarque : en cas d'artefacts sur la séquence 1, la qualité peut être nettement améliorée en passant à 16 accumulations au lieu de 10 et en augmentant le champ de vue pour diminuer le repliement.

2 Mesures

Il faut mesurer avec un ROI le signal myocarde pour chaque écho acquis. Le choix de la position du ROI est critique. La localisation doit être identique pour chaque écho de la même séquence, dans une zone sans artefact.  La figure suivante illustre la méthode :
ROI coeur
Au total il faut donc relever 6 valeurs de signal.

3 Estimation de la concentration cardiaque en fer

En pratique courante il n'est pas possible de réaliser de façon systématique une biopsie cardiaque pour mesurer la concentration en fer. Il n'a donc pas été possible de corréler la baisse du signal cardiaque mesurée par la raccourcissement du T2* et la concentration cardiaque en fer. Il est seulement possible de rendre une valeur de T2*. Si cette valeur est inférieure à 20 ms, le signal du coeur est anormalement bas traduisant une surcharge en fer. La surcharge sera évidemment plus importante pour un T2* à 10 ms que pour un T2* à 20 ms, mais il n'est pas établi que la concentration en ce cas varie de 1 à 2. Cette valeur de T2* peut toutefois permettre de suivre l'efficacité d'un traitement chélateur.

Le calcul du T2* à partir du signal de 2 valeurs de signal relevé sur 2 échos différents peut se faire avec une calculatrice scientifique en sachant que le T2* correspond à la constante de temps de décroissance du signal qui suit une exponentielle de pente négative. Voici la formule :
T2* = (TE2 - TE1) / Log (S1 / S2)                   Remarque : Logarithme Népérien
Il est plus simple d'utiliser le logiciel suivant qui permet à la fois le calcul de la concentration hépatique en fer et du T2* du coeur tout en permettant d'éditer un rapport complet associant le foie et le coeur (gratuiciel MS Windows) :
 Logiciel de calcul foie et coeur

4 Bibliographie

1 Anderson LJ, Holden S, Davis B, Prescott E, Charrier CC, Bunce NH, Firmin DN, Wonke B, Porter J, Walker JM, Pennell DJ. Cardiovascular T2-star (T2*) magnetic resonance for the early diagnosis of myocardial iron overload. Eur Heart J. 2001 Dec;22(23):2171-9.

2 Westwood MA, Wonke B, Maceira AM, Prescott E, Walker JM, Porter JB, Pennell DJ. Left ventricular diastolic function compared with T2* cardiovascular magnetic resonance for early detection of myocardial iron overload in thalassemia major.J Magn Reson Imaging. 2005 Aug;22(2):229-33.




III Bases Théoriques

L'imagerie par résonance magnétique est basée sur l'interaction entre le noyau des atomes d'hydrogène (proton unique) et un champ magnétique Bo. La technique consiste à placer la patient dans un champ magnétique intense. Pour réaliser une image, on applique ensuite pendant un court instant un deuxième champ magnétique B1 dont l'axe est perpendiculaire à l'axe du champ principal Bo. Après la fin de l'impulsion B1, les protons mettent une certaine durée pour reprendre leur état d'équilibre. Le très faible signal émis par les protons pendant leur retour à l'équilibre ne peut s'enregistrer que sur un axe perpendiculaire à Bo. En effet, Bo est extrêmement intense ce qui empêche l'enregistrement d'un très faible signal sur cet axe. Le signal est donc enregistré dans l'axe de B1. Il est maximum juste après la fin de B1 puis diminue progressivement pour s'annuler en quelques centaines de ms. L'annulation du signal suit une loi exponentielle, on parle donc de constante de temps T2 ou T2*, selon la technique de mesure. La constante de temps T1 correspond au phénomène dans l'axe de l'aimant principal Bo (repousse sur l'axe B0) et n'intervient pas dans cet exposé, le signal étant capté uniquement sur l'axe perpendiculaire à Bo.  Pour des raisons techniques, l'enregistrement du signal ne s'effectue que pendant un très court instant. Le TE, temps d'écho,  correspond à la durée qui sépare la fin de l'impulsion B1 et le moment de l'enregistrement. Le signal enregistré sera donc d'autant plus important que le TE est court.
 
Expérience IRM


Quand un organe présente une augmentation de la concentration en fer, l'aimantation locale est augmentée. Le phénomène de relaxation s'accélère, le signal diminue donc plus rapidement.  A TE égal, plus un organe présente une concentration en fer élevée, plus son signal est faible.  Pour quantifier la concentration en fer, il suffit de mesurer le signal par rapport à un organe où il n'y a pas de surcharge, comme les muscles paravertébraux, ou alors mesurer la baisse de signal entre 2 échos pour calculer le T2  ou le T2*. Plus la concentration en fer est importante, plus le T2 ou le T2* sont faibles. Pour obtenir une variation parallèle à la concentration en fer certains utilisent les valeurs R2 = 1/T2 ou R2* = 1/T2*. C'est une simple présentation différente des résultats. La figure suivante illustre ces mécanismes.


Sur cette figure il est visible que le signal de l'organe baisse d'autant plus vite après l'impulsion B1 que sa concentration en fer est élevée. Pour le premier temps d'écho (TE1), le signal n'est pas nul quelque soit la concentration. Cependant il est déjà faible pour une concentration importante (jaune). Pour le deuxième temps d'écho (TE2), il n'y a plus de signal pour les 2 cas de surcharge en fer (jaune et violet). Seul l'organe normal (blanc) donne encore du signal.

Deux méthodes sont possible pour quantifier le fer. La première consiste à comparer le signal de l'organe avec un organe de référence qui ne présente pas de surcharge comme les muscles paravertébraux. Cette comparaison nécessite que l'organe ait un signal déjà diminué, tout en restant nettement mesurable, c'est à dire bien supérieur au bruit de fond. Au mieux il doit être compris entre 0,3 et 0,8 fois le signal de l'organe normal. Il faut donc faire de multiples acquisition avec des TE de différentes valeurs, pour s'adapter au mieux aux différentes concentrations en fer possibles. La deuxième technique consiste à mesurer le rapport de signal entre 2 échos pour calculer le T2*. Là encore de multiples échos sont indispensables de façon à s'adapter à la concentration en fer. Quelque soit la méthode, il est nécessaire de comparer les résultats obtenus avec ceux d'une série expérimentale où a été mesurée la concentration sur biopsie afin d'établir une courbe d'étalonnage. De tels courbes existent pour le foie, mais pas pour le coeur. Au niveau hépatique il est donc possible de donner une véritable concentration en fer alors qu'au niveau cardiaque seul un T2* peut être donné.



O. Ernst, G. Sergent, B. Laurens, V. Gaxotte    CHRU de Lille
C. Rose     Université Catholique de Lille


Décembre 2005


Mots Clés : hémochromatose / IRM / imagerie par résonance magnétique nucléaire / hépatosidérose / hémosidérose / cardiosidérose / fer / thalassémie