Récepteur National SW-3
Le récepteur National SW-3 constitue pour de nombreux radioamateurs la référence des récepteurs à réaction pour les bandes amateurs décamétriques. En effet, ce récepteur conçu en 1931 permet, en 2012, de réaliser de véritables QSO en télégraphie (CW) comme en phonie (bande latérale unique).
Les premières triodes, du fait de leur importante capacité grille anode et de leur faible coefficient d'amplification, ne permettaient pas d'amplifier correctement les ondes courtes (en dessous de 100 m de longueur d'onde). En 1927 sortit sur le marché américain la première lampe à écran : UX-222. Cette lampe révolutionnaire diminuait de façon spectaculaire la capacité grille anode tout en augmentant le coefficient d'amplification par l'ajout à une triode d'une grille supplémentaire réalisant un « écran » entre la grille de commande et la plaque. L'amplification des ondes courtes devenait enfin possible en dehors des laboratoires (QST décembre 1927 p25-30). En France, les lampes à écran furent commercialisées en 1928 avec la A442 de Philips (Pratique Et Théorie De La T.S.F, Paul Berché 1930, p537).
Les récepteurs pour ondes courtes de l'époque étaient essentiellement des détectrices à réaction suivies d'étages audio fréquence (AF), les superhétérodynes bien que beaucoup plus complexe n'étant guère plus performant. Dès la commercialisation des lampes à écran, ces récepteurs furent améliorés par l'ajout d'un étage RF précédent la détection. La firme National construisit ainsi le récepteur SW-2 constitué d'un étage RF à entrée apériodique suivi d'un étage détecteur à réaction. L’appellation de cette série correspond à la bande reçue (SW pour shortwave) au nombre de lampes. Le changement de bande s'effectuait par bobines interchangeables. Ce récepteur fut suivi du SW-4 qui comportait 2 étages AF supplémentaires. Il était alimenté par batterie et son rendement était inconstant. Ces récepteurs avaient été conçus par RCA (CQ novembre 1978 p46-60)
En 1930, National mettait au point un nouveau récepteur ondes courtes qui se voulait aussi simple d'emploi qu'un récepteur de radiodiffusion en ondes moyennes. Le cahier des charges était le suivant : 1 Alimentation secteur sans aucun ronflement perceptible. 2 Commande unique pour la recherche des stations. 3 Réception en haut-parleur. 4 Bonne qualité sonore. 5 Absence de réglage critique. 6 Belle apparence (The Manual of Short Wave Radio 1930 p17-21).
Ce récepteur, dénommé SW-5, comportait un étage radio fréquence (RF) accordé, un étage détecteur à réaction, un étage préamplificateur AF et un étage AF final avec 2 tubes en push-pull. Le tout était prévu avec une alimentation secteur externe. Les bons résultats de ce récepteur s'expliquaient par un schéma parfaitement étudié, en particulier au niveau du couplage du circuit oscillant avec l'étage RF et l'entretien de la réaction, l'emploi de composants de toute première qualité en RF et une réalisation parfaite avec des blindages efficaces. Le condensateur variable avait été spécifiquement étudié pour donner de faibles pertes et les bobines étaient réalisées sur des nouveaux mandrins de bakélite R29 chargés au mica et fabriqués à sec à pour éviter les pertes qu'induisaient les charges en sciure de bois associées à la fabrication à la vapeur.
Mais depuis 1929, la crise sévissait. Il fallait réaliser un récepteur moins coûteux. L'idée a été de prévoir un récepteur uniquement pour l'écoute au casque, sans aucun autre compromis. L'étage de sortie en push-pull a donc été supprimé. Seul l'étage préamplificateur AF fut conservé. Il ne restait donc que 3 tubes (RF, détecteur, AF). C'est ainsi que naquit le célèbre récepteur SW-3 en 1931. Cette transformation fut l'occasion d'améliorer encore la réalisation pratique, en particulier au niveau des blindages et de bobinages spécifiques pour les bandes amateurs (QST septembre 1931 p9-16). Tout cela aboutit à une stabilité excellente du récepteur : réalisation mécanique indéformable, excellent blindage supprimant tout effet de main, condensateurs et bobines parfaitement stables, connexions extrêmement courtes.
La conception du récepteur donne donc le gain maximum de chaque tube, avec une parfaite stabilité. Un système original de bobines permet d'obtenir soit une couverture générale des ondes courtes en 6 gammes de 1,5 à 33 MHz, soit la réception spécifique des bandes amateurs avec un important étalement de chaque bande. D'autres jeux de bobines permettaient de recevoir les fréquences inférieures à 1,5 MHz. Le schéma et la réalisation sont si robustes, qu'il a suffit de modifier les supports et la tension des filaments pour s'adapter aux nouveaux modèles de tubes apparaissant sur le marché jusqu'au lampes octales, qu'il s'agisse de lampes secteurs ou de lampes batteries. Sa vente s'est poursuivie jusqu'en 1946 (voir les catalogues 1946 et 1947 de la firme National). Ce récepteur a donc été extrêmement répandu aux USA, mais très peu en France, même s'il était possible de l'acquérir auprès de revendeurs spécialisés (Radio-Ref, mai 1936, voir photo). Il se présente sous une forme presque cubique de 24,5 x 23,5 x 18 cm.
Analysons son fonctionnement à partir du schéma de la version 2 qui utilisait la dernière série des lampes américaines avant la série octale.
L'étage d'entrée est un peu inhabituel du fait de la présence d'un troisième bobinage (Pr) bobiné entre les spires du secondaire (Se). En fait, les mêmes blocs de bobinages étaient prévus à l'entrée RF et à l'étage détecteur, pour qu'il soit possible de les intervertir. Au niveau du détecteur ce bobinage primaire sert au couplage de la lampe amplificatrice. À l'entrée, le condensateur variable de 50pF permet de mettre la même capacité que celle qui existe entre la plaque de la première lampe et la masse. Le primaire et le secondaire ont donc quasiment la même charge au niveau de l'étage d'entrée et de la détectrice. La commande unique est donc quasiment parfaite. Le bobinage de couplage d'antenne sert de tickler au niveau de la détectrice.
Dans un récepteur à réaction, il est indispensable de pouvoir atténuer à volonté le signal au niveau de la détectrice. Cela permet de faire fonctionner dans les meilleures conditions possibles la lampe détectrice afin d'obtenir le meilleur compromis entre la sélectivité, la sensibilité et la stabilité. Le réglage du gain s'effectue par le potentiomètre de 10kohm qui modifie la tension de polarisation du premier tube.
L'étage détecteur à réaction a été l'objet de multiples essais. L'emploi de 2 bobines séparées pour le couplage à la lampe amplificatrice RF d'une part, et pour l'entretien de la réaction d'autre part, permet d'adapter parfaitement le nombre de spires à chaque fonction, sans compromis. Le réglage de la réaction par variation de la tension écran évite le parcours de la RF sur le panneau avant. Deux selfs de choke évitent le transfert de RF dans l'étage AF. Pour obtenir le gain le plus élevé possible, la charge de la détectrice n'est pas une résistance, mais une impédance d’extrêmement forte valeur (700H).
La sortie AF est à haute impédance et doit laisser passer le courant continu. Pour brancher un casque moderne de 32 ohm, il faut mettre un transformateur qui peut être un petit transformateur d'alimentation 240/6V.
Les bobinages pour bande amateur étaient un peu différents. Le condensateur variable était relié à une prise intermédiaire du secondaire de façon étaler au maximum les différentes bandes. Au niveau de l'étage d'entrée, les capacités parasites étaient suffisantes pour obtenir l'accord dans la gamme. Une connexion directe reliait le secondaire à la grille de la première lampe. Pour le bloc de bobinage détecteur, un condensateur ajustable était ajouté en parallèle du secondaire (réglé approximativement à 8pF) pour caler parfaitement la bande. Un condensateur de 100pF en parallèle de 5 Mohm était aussi incorporé afin de pouvoir relier par une connexion directe la grille de la détectrice.
J'ai eu l'occasion d'acheter au même vendeur 3 récepteurs SW-3. J'ai donc voulu tester ce récepteur en remettant un modèle à neuf, avec des composants de toute première qualité. J'ai choisi le récepteur qui avait été le plus modifié. Tous les condensateurs fixes, toutes les résistances et les 3 lampes ont été remplacés par des composants neufs. J'y ai apporté quelques modifications.
La principale est l'utilisation d'une entrée apériodique. En effet, les essais faits sur un récepteur non modifié ont montré que la perte de sensibilité observée était modérée et que l'utilisation d'un potentiomètre permettait un réglage facile du gain RF. Pour ne pas modifier un récepteur existant, il suffit d'acheter un mandrin neuf sur internet et d'y fixer un potentiomètre de 4.7kohm. L'utilisation d'une entrée apériodique facilite grandement la réalisation de nouveaux bobinages en diminuant par 2 le nombre nécessaire et évitant le problème de la commande unique.
Un condensateur de 4,7µF shunte le potentiomètre de réaction pour éviter les bruits lors du réglage. Plusieurs capacités de découplage de la ligne + haute tension ont été ajoutées.
Un filtre RF a été placé sur l'alimentation des filaments pour réduire au maximum le ronflement par retour RF sur les fréquences les plus élevées (tunable hum).
Un transformateur de sortie 240/6V 1,5W a été ajouté pour employer un casque moderne. Un interrupteur dans un fil de sortie permet de rendre le récepteur muet en cours d'émission (interrupteur de stand-by).
La résistance de détection a été diminuée de 5 Mohm à 220kohm pour diminuer le bruit au niveau de la détectrice. Le condensateur shuntant cette résistance a été adapté à chaque gamme en choisissant la valeur la plus faible possible. Enfin, j'ai fait des bobinages neufs pour les bandes 80 40 20 17 et 15 m. Des mandrins neufs se trouvent internet, cependant leur prix est élevé, car l'espacement des broches n'est pas standard. Il m'a paru plus simple d'obtenir l'étalement de bande par un condensateur en série avec le condensateur variable plutôt que par prise intermédiaire. Pour le 80 m, le condensateur variable est relié directement au point chaud du secondaire, les 90pF permettant juste de couvrir la bande amateur. À la différence du montage d'origine, j'ai ajouté des capacités d'accord fixes relativement élevées, de façon à améliorer la stabilité en fréquence. Les bobines sont réalisées en fil de câblage monobrin, sauf les secondaires pour 15 17 et 20 m pour lesquels j'ai utilisé du fil d'électricien 10A (1,5mm2). Quand tout est au point, je colle les spires à la superglu pour éviter tout mouvement des spires. Tous les condensateurs fixes sont des céramiques du type NP0. L'emploi de condensateurs standards ruinerait la stabilité du récepteur.
Le résultat est à la hauteur de la renommée du récepteur. Pour les bandes de 80 à 15 m, il n'y a aucun effet de main, il n'y a quasiment pas de synchronisation du récepteur sur l'émission écoutée, la sensibilité est correcte. La stabilité en fréquence est excellente sur 80 et 40 m. Sur les bandes plus élevées en fréquence, la stabilité diminue. Cependant, après un long préchauffage, il est possible d'écouter 30 mn une station phonie SSB sur 15m sans qu'il soit besoin de retoucher l'accord. Durant plusieurs semaines, la totalité des QSO que j'ai effectuée sur 80 et 40 m en phonie a été réalisée avec ce récepteur. Les résultats sur 10m sont décevants.
Olivier Ernst F5LVG
2012
Photos du RX national SW3 refait par F5LVG (dessus - dessous)
Un exemple d'alimentation moderne
Alimentation et récepteur
Schéma de la dernière version du récepteur National SW-3 "Universal" avec tubes de la série octale